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Le Chemin de Paradis
Discours à la louange de la double vertu de la mer

Ἄριστον μὲν ὕδωρ
PINDARE 1.

L'amour est d'autant plus ardent que la connaissance est plus certaine.
LÉONARD DE VINCI.

La mar, bello plano esmougudo,
Dóu paradis éi l'avengudo.

MISTRAL 2.

À FRÉDÉRIC MISTRAL.

Aquarelle 9 de Gernez pour l'édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927

I

1. Au cap Incomparable où, sans nous être aimés, nous nous sommes compris et, sans avoir osé descendre jusqu'à l'aversion déclarée, nous avons reconnu les différences de nos cœurs, je suis revenu seul pour songer à vous, mon amie. Peut-être vous en souvient-il, et les escadres couronnées de musiques et de lumières vivent-elles encore sur l'onde magnifique et paisible de vos pensées comme elles allaient, cette nuit, au balancement de la mer. La chevelure des pins noirs déployée au septentrion découvrait dans le ciel la course des étoiles. Il venait des odeurs de tubéreuses et de lys, et vos narines palpitaient, vos beaux yeux se voilaient de la volupté des parfums. Mais votre voix, mêlée au gémissement de la mer, nommait les êtres merveilleux qui, en nombres divins, oppressaient nos mémoires et agitaient nos cœurs. Les mots que vous disiez, avec leur mélodie de compassion inoubliable, classaient, être par être, la noblesse de l'univers.

2. Du moindre brin d'herbe odorant aux planètes les plus lointaines, vous n'oubliâtes rien qui eût un degré de beauté. Le vieux Pan qui riait autrefois sur ces promontoires vous assistait sans doute de sa flûte et de son esprit. Plus belle que Corinne, égale aux Muses elles-mêmes quand elles déployaient leur cadence savante sur les collines de l'éther, vous conduisiez toute pensée à la secrète idée du monde, qui est l'avènement de la pure sagesse dans la grâce et la passion.

3. J'écoutais ces discours que vous répandiez en me félicitant qu'il m'eût été donné de m'élever ainsi avec l'aide de votre main lorsque soudainement je sentis cet appui céleste me faillir. Votre main se glaça, vos lèvres se turent. Je vis sur votre front, car en ces jours s'y inscrivaient les signes éclatants du courant de ses rêveries, je vis se dessiner je ne sais quelle peur étrange de ce qui gonflait votre sein.

4. Puis, d'une voix brisée et qui se hasardait comme en tremblant hors des espaces du silence, vous gémîtes, ô mon amie, d'une calamité dont votre âme était menacée. Car, hélas ! pensiez-vous, une âme n'est point faite pour étreindre de si extrêmes variétés de conceptions ; ou elle se fondra au torrent lumineux de ses intelligences.

5. À force d'appeler et de recevoir tout le flux du vaste univers embrassé, comment l'âme éperdue se retrouvera-t-elle ? Devenue la pareille de tant de formes et de parfums qui occupent les immensités mesurables (ainsi, n'est-il pas vrai, se développait votre effroi) cette petite âme sera comme un atome imperceptible, étrangère à son propre sein. Et sans doute elle flottera, l'infortunée ! d'un bout à l'autre de ce monde, dans une recherche inutile où, n'étant presque plus, elle oubliera également de vivre et de sentir, de fructifier et d'aimer. Oui, oui, soupiriez-vous, ne sera-t-elle ainsi devenue tout à fait indigne et incapable de l'amour, tant l'excès prodigieux, l'abondance touffue des figures extérieures l'auront, par avance, appauvrie de sa sève et de sa vertu ?

6. Ainsi vous vous plaigniez ; peut-être afin que je vous aide à vous tirer de la périlleuse sagesse, vous me redisiez tristement le thème préféré de quelque vain sophiste de vos instituteurs :

« Hé ! que m'aura servi d'égaler tout cet univers, si je vais y perdre mon âme ?

II

7. — Âme, vous répondis-je (car il n'est pas de nom plus doux ni qui en ce temps-là allât mieux à votre beauté), comment des biens si précieux seraient-ils jamais égarés ? »

Et je montrais, non loin, par-dessus les terres voilées de la colonnade des pins 3, les milliers d'étincelles qui blanchissaient la mer.

8. « Ma sœur, repris-je, regardez ce champ qui porte 4 et qui rayonne une si égale clarté. Je voudrais fixer les yeux de votre corps avec ceux de votre pensée. Je voudrais promener les uns et les autres en tout sens à travers la plaine fluide et encore leur faire traverser cette molle cuirasse d'écailles scintillantes pour qu'ils n'ignorent plus le fond de l'abîme

9. « Ce qui les touchera d'abord en cette mer sera l'exactitude à rendre la face des cieux. Il n'est pas une goutte de son eau balancée qui ne mire le firmament. Avec quelle patience sont reçus les moindres rayons et de quelle fidélité ils sont réfléchis dans la nuit, vous l'admirerez avec moi. La vertu de soumission qui se prescrit aux sages n'est littéralement exercée que dans ce liquide miroir. Tout à l'heure vos yeux n'étaient pas plus dociles à la beauté des choses, votre contemplation n'offrait pas aux Idées un cristal plus lisse et plus pur 5. La figure du ciel y est restituée 6, sphère par sphère, étoile même par étoile, et la nappe cendrée qui descend avec elle, faite du demi-jour de tant de filets qui se croisent, se retrouve de même en demi-lumière argentée au creux et à la cime de chacun de ces petits flots.

10. « Mais, que le jour s'allume, vous verrez tout cela luire subitement au premier éclair du flambeau. La mer alors se peint jusque des teintes qui se jouent sur les ondes vides de l'air. C'est dire de quel cœur elle redit d'abord le fantôme léger des hautes falaises de pourpre ou si quelque olivier s'incline sur elle en vibrant. Il ne lui faut plus rien que les incendies du soleil ; inquiète, elle bouillonne tant que ses feux divins se dérobent sous l'horizon 7. Mais, à cette chaleur invisible qui les précède, elle s'aplanit toutefois. Puis le premier rayon, encore que dardé obliquement, lui tire un gémissement de pitié. Non qu'elle veuille fuir ce terrible soleil de la vérité renaissante en de honteux limons ni sous l'abri d'un antre obscur ; notre nymphe héroïque ne tente même pas de se mettre à couvert de celui qui brûle le ciel. Elle l'affronte nue et, telle jusqu'au soir, pareille à une athlète de la connaissance obstinée, laisse les flèches d'or cribler son corps luisant, et elle leur répond par mille reflets ; c'est le soir glacial, c'est furtive et froide la nuit qui lui arrachent des nuées ; jamais elle n'en forme de son propre désir. Les flammes de la roue où siège son archer 8 rayonnant et persécuteur ne font que l'embraser d'une intelligence plus vive et redoubler son vœu d'amasser plus d'objet et de saisir plus d'être dans sa vaste prunelle animée du perpétuel mouvement 9.

11. « Cet œil azuré de la mer, qui me faisait vous voir bien avant que je vous connusse, ne demande rien au delà. La lumière, sève du monde, âme essentielle, lui suffît. Car le bel élément qui rit, bondit, flotte sur elle avec tant d'abondance et de rapidité, c'est la forme aérienne et céleste de toutes choses. D'où je vous déduirai que sa quotidienne illumination de midi nous signifie certainement l'heure d'omniscience et de rêve complet où se gonfle la claire volonté de la Mer 10.

III

12. « Nulle part toutefois celle qui nous surpasse pour le zèle à grandir dans le mode contemplatif, ne témoigne de la triste infécondité 11 dont vous ont menacée de mauvais conseillers. Bien au contraire, en elle bouillent les réserves 12 de l'universelle énergie. Que si quelques poètes n'y ont vu qu'une solitude et l'ont appelée Celle qui n'a point de moisson ou Celle dont les champs ne sont point dorés de vendanges, ils sommeillaient sans doute, parlant sans réfléchir, à moins qu'ils n'entendissent que les froments qu'elle nourrit sont trop lourds au ventre des hommes et ses vignes gonflées d'une veine trop généreuse. Ne les écoutez pas ou pénétrez-les mieux. Ces grands hommes n'eussent jamais laissé leurs citoyens attacher à la mer un culte fidèle ni ne l'eussent nommée, comme ils l'ont fait si fréquemment, une chose divine, s'ils l'eussent crue la stérilité 13 ; c'étant une de leurs maximes que, de même qu'il est trop aisé d'exercer une force puissante si l'on n'est qu'une brute aveugle à la manière des harpies et des centaures, il est trop simple aussi de comprendre et de savoir tout si l'on reste soi-même oisif et vide de vertu.

Aquarelle 10 de Gernez pour l'édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927

« Penchés au bec des proues et abrités de leurs manteaux contre les spectacles du ciel, ces poètes navigateurs n'ont pu manquer de soupçonner ce qui existe sous le flot 14. Ils savaient quels doux monstres à figures de vierges tentaient en ce bas lieu toutes les formes de la vie et dépensaient en jeux cruels les premières sèves naissantes. C'était pour eux merveille 15 que l'on ne cédât plus souvent au charme riant sous les eaux.

13. — Que leur chantaient donc ces Sirènes ?

— Si Tibère César, qui posait la même question à ses suppliciés pendant qu'ils criaient sous les verges 16, m'eût pu interroger pareillement sur ce sujet, je sais quelle réponse m'eût peut-être concilié les bonnes grâces de ce prince, car j'ai examiné toutes les relations de quiconque entendit ces voix de la mer. Oui, j'en ai rétabli 17 la mystérieuse chanson.

« “Nous sommes, disent les Sirènes (eussé-je enseigné à César), le père et la mère de tout. L'ancien germe de Pan est sorti de nos profondeurs. Cette mer violette est le vase sacré, revêtu de saphir, tapissé au dedans d'une ténébreuse émeraude, où les os de ce dieu furent assemblés un par un. Tout ce qui est rêvé au plus haut de l'éther est réalisé parmi nous. Toute action soupire au fond de nos entrailles avant de vagir au soleil. Car Pan, tout vieux qu'il est, n'a point achevé ses emprunts à nos primitifs éléments et il en retire sans cesse les étendues de sable blond, les amères prairies et les bancs de roches soudaines. Mais nous lui versons sans compter ces tempêtes, ces pluies fécondes, ces rosées, humeurs rapides et chagrines, âmes du changement et de la nouveauté, dont il s'inquiéta dès l'enfance, aspirant de nos seins plissés de rides immortelles les appels du désir et les vœux de l'enfantement 18.”

14. «  Ce qu'eût fait César, je ne sais. Mais combien d'hommes voyageurs se sont lassés de leurs rivages, à entendre cette chanson 19 ! Ils ont reconnu que leur vie n'avait été qu'un pâle effet 20 d'une vie plus violente et ils se sont unis à jamais à cette dernière.

15. « Les Sirènes n'ont point menti et nous sommes certains qu'autrefois elle occupait tout, mais tout était mêlé en elle. Afin de régir ce désordre, elle prit le parti de se sacrifier et, réduisant son lit, creusa dans le milieu du monde un asile profond où se définit sa vertu. Ce qui existe donc hors d'elle est fait de ses largesses 21 ; la terre ferme et fixe, le rythme certain des lois nous sont concédés de son sein. C'est elle qui jeta les tendres mamelles des îles cuites ensuite au dur soleil et enchaînées plus tard les unes près des autres par les dons successifs qu'elle ne cessa 22 d'ajouter.

16. « Puis, les monstres sortirent avec tumulte de son sein, et un peu plus tard les héros 23. Nul n'ignore que le dernier de ces races évanouies, instruit sur le penchant des collines de Thessalie 24, naquit de Thétys blanchissante. Ce demi-dieu n'oubliait pas de venir implorer dans les difficultés la déesse dont il avait hérité le courage et, se lavant les mains sur les grèves salées comme nos prêtres font dans leurs cuves imprégnées de sel, il revenait plus ferme et plus vite au combat, couvert de l'armure nouvelle.

17. « Ulysse, fils d'Ithaque, île née de la Mer, succéda ensuite à Achille et, versé d'onde en onde, apprit l'usage du commerce, de la navigation et des autres arts. Quand la divine flèche envoyée de Thétys lui eut donné la paix des dieux, l'écume commençait de charrier d'un flot à l'autre les navires pleins d'hommes aux rivages colonisés. Et maintenant la Mer est toute labourée de la course de ses enfants. Une blanche ceinture de ports florissants reliés par les voiles qui ne cessent de voyager, décore son sein bleu et sombre 25. Les villes naissent des vaisseaux, les vaisseaux renaissent des villes, et, dans ce lent triomphe séculaire qu'elle conduit ou dans ce va-et-vient de mille triomphes divers, elle n'arrête point de crier la gésine ou de chanter l'amour, et garde le même sourire, car elle se rend le témoignage d'avoir tout ordonné au loisir d'une longue et lucide méditation 26 ; n'ayant nulle part négligé d'appeler 27 sur son œuvre les beaux feux ennemis de toute déraison, exterminateurs des chimères, des mensonges difformes et des rêves privés de sens, ayant toujours banni une tromperie ténébreuse et considéré le soleil.

18. « Que si l'astre fuyait devant la tempête ou la nuit, plutôt que d'opérer dans une ombre complice où la faute et l'erreur se fussent peut-être excusées 28, le pouvoir diligent de cette Titanide, sœur des Cyclopes inventifs, créa l'art d'amasser tout ce qui survivait de lumière diffuse 29 et de faire jaillir une phosphorescence qui aidât de flambeaux l'éternelle composition.

19. « De cet effort naquit la plus souhaitable merveille. Un heureux matin se leva. Des collines de soie tendaient l'horizon de la terre et, d'une soie plus molle, piquée d'aigrettes argentées, frémissait la face de l'eau 30. Le jour parut, la Mer l'égaya de mille sourires, les tritons agitant les fourches et les conques firent s'évanouir les dernières laideurs et les hasards mauvais qui rôdent toujours sous le ciel. Des voix de nymphes appelèrent la brise près des lyres qu'elles disposaient sur les flots. Le vent ainsi réglé et les ombres mises en fuite, on vit se présenter la coquille de nacre et l'attelage de colombes immaculées 31.

20. « Une jeune déesse y couchait de beaux flancs plus lucides que la lumière mais si vastes 32 que, de leur ligne épanouie, s'égalait, s'unissait la terre avec le ciel. D'une tendre beauté qu'un rien pouvait défaire, car tout y était accompli, cette forme volait sur les légers rouleaux des vagues. Un zéphyre 33 chantait : Voici le meilleur des destins, et des trombes de feuilles et de fleurs détachées par leur propre désir coururent dans la mer au-devant de cette immortelle. Mais les couples humains vantaient cette puissante et pensive Vénus marine, la couronne et le fruit de tant de pénibles labeurs 34.

21. « “Elle, s'écriaient-ils, ne craindra point d'aimer 35 à la face de la lumière quand toutes les autres Vénus, cherchant honteusement les ombres de la nuit, ferment les yeux, perdent le sens et défaillent d'intelligence au moment que la vie leur sourirait plus belle, et plus magnifique le jour.”

22. « Et la même pensée, redite inversement, faisait naître d'autres cantiques :

« “ Vous ne serez point froids ni arides comme Pallas, ô doux yeux anadyomènes. Vous vivrez et vous brûlerez, liquides flammes blondes qui nous instruirez de l'éther. Que si toute sagesse est chose excellente et précieuse, c'est merveille choisie et divine qu'à ce rayon de la connaissance céleste vous mêliez le feu de deux cœurs 36 !”

23. « C'est ainsi, poursuivais-je à vos pieds, mon amie, que fut reçue de la mer amoureuse et savante la parfaite beauté 37. Vous pénétrez le sens de ces voix accordées. Elles défendent de redouter désormais vos mathématiques lumières. Celles-ci sont en vous comme ce feu blanc sur la mer, et voilà la semence de quelque Aphrodite inconnue qui doit naître entre nous pour si peu que les astres s'y veuillent montrer indulgents 38. Voyez déjà qu'ils s'ouvrent clairs, vastes et profonds. Tout l'espace en est dévoré. Leurs rayons nous confirment la première faveur que nous eûmes de la fortune et qui fut de nous être connus ici précisément. Elle pouvait nous promener comme tant d'autres couples dans quelque forêt d'inquiétude, aux berges du fleuve océan où tout est nocturne et troublé ; mais elle nous assit au bord de nos aïeux 39, le modèle de notre rêve.

24. « Salut, force divine et divine compréhension ! Fais qu'il ne nous soit point d'idée qui n'enveloppe un amour généreux ni de désir qui n'engendre de la lumière. Pensée de flamme, cœur orné des belles fictions de l'esprit, énergie imbibée des intelligences du ciel, nous voulons être tes disciples, azur de la Mer Cyprienne !

25. « Mais vous, mon Âme, connaissez toutes vos délices puissantes 40. Vos savantes paroles énoncent les pensées qui, sous forme de rêveries, circulèrent en vous 41 et là se dépouillèrent de l'inhumanité que verrait un œil nu en tout ce qui pense ou qui vit. Vos yeux me font un monde bienveillant comme votre chair et, venue de vous, la Sagesse m'est heureuse et joyeuse à l'égal de l'Amour dont je ne la puis distinguer, puisqu'ils ne forment plus en vous qu'un seul être complet pareil au grand objet illuminé et soupirant qui tient tout le corps de la nuit 42. »

IV

26. Ainsi, sur ce beau Cap où je cherche des souvenirs, nous nous tirions tous deux de la populace de l'Être, et, gagnant les cimes sacrées, de tels propos 43 volaient si célestement, mon amie, qu'ils saluaient en vous la même volupté qui naquit autrefois des caresses d'Éros à Psyché votre sœur ou que Thétys tira comme un pâle feu de l'écume ; unique joie en qui se tinrent embrassées deux forces jusque-là guerroyantes dans l'univers.

Certes, il m'importait peu que telle merveille fût rare, si du moins elle était possible, et je n'en doutais plus.

27. La divine soirée ! Vous regardiez les flots et peut-être pleine d'envie. Ô, combien la parole luisait dans vos moindres regards ! Vous deveniez semblable à ce rêve que je formai 44. Rien, d'ailleurs, non pas même le jour fâcheux qui dut, en dépit du vœu des étoiles, succéder à ce soir, ne pourra m'ôter de l'idée que vous ne soyez faite pour réaliser quelque part le glorieux mystère de l'intellection dans l'amour. Mais, à sentir la lumière de vos prunelles, l'assurance m'était venue que la merveille allait se montrer sur-le-champ.

28. Vous vous étiez levée, raffermie et persuadée ; et, comme vous marchiez vers le bois d'oliviers qui couronne 45 le promontoire, cette ambition du ciel, qui couvait dans mon cœur, me donna une joie qui me fit sentir le ciel même. Je vous suivis, croyant que le sentier étroit 46 où vos pas m'engageaient allait me conduire à mon terme. Ô mon amie, vous vous tourniez d'un visage si gracieux ! Vos yeux, trop purs, parvenaient au fond de mon âme 47.

Mais ce fut très peu d'heures après ce doux regard, qui répondait à mes discours en les favorisant mieux que ne l'eût fait aucun mot, que nous fûmes contraints d'admirer et de convenir de combien nous étions inégaux à nos espérances.

Charles Maurras
  1. Littéralement : « l'eau est une excellente chose ». La formule se trouve deux fois chez Pindare, avec deux nuances différentes. Au premier vers de la première des Olympiques, que cite ici Maurras, elle signifie la brillance de l'eau, comme celle de l'or qui suit dans la même phrase : l'eau émerveille nos sens. Dans la troisième des Odes olympiques, où la formule est grammaticalement différente, le sens est plus celui d'une utilité de l'eau, d'une bonté particulière de l'élément au regard de nos besoins.

    Les notes sont imputables aux éditeurs. [Retour]

  2. Dans Mireille, à douze strophes de la fin de l'ouvrage : « la mer, belle plaine agitée, est l'avenue du paradis ». Dans l'édition de 1895, seules les deux premières épigraphes sont présentes. [Retour]

  3. Bien que nous laissions la date de 1895 au texte en lui-même, puisque c'est la date du recueil du Chemin de Paradis, notre texte est celui revu par Maurras en 1921. En 1895 : « par dessus les terres voilées et à travers la colonnade ténébreuse des pins ». [Retour]

  4. En 1895 : « qui roule ». [Retour]

  5. En 1895 : « un cristal plus scrupuleux ». [Retour]

  6. En 1895 : « La figure concave du ciel y est toute restituée… » [Retour]

  7. En 1895 : « … les incendies du soleil et elle s'inquiète et bouillonne tant que les divins feux se dérobent sous l'horizon. » [Retour]

  8. En 1895 : « où siège le héros ». [Retour]

  9. En 1895 : « d'un perpétuel mouvement ». [Retour]

  10. En 1895 : « où se doit élever la Mer. » [Retour]

  11. En 1895 : « Toutefois cette mer, qui nous laisse loin derrière elle pour le zèle à grandir dans le monde contemplatif, ne montre nulle part une infécondité… » [Retour]

  12. En 1895 : « les intimes réserves ». [Retour]

  13. En 1895 : « s'ils l'eussent crue ainsi stérile ». [Retour]

  14. En 1895 : « sous les flots. » [Retour]

  15. En 1895 : « Et c'était leur merveille… » [Retour]

  16. En 1895 : « qu'ils criaient de douleur ». [Retour]

  17. En 1895 : « … ces voix de la mer et j'en ai rétabli… » [Retour]

  18. En 1895 : « … et il en retire sans cesse des étendues de sable blond, et d'amères prairies, et des bancs de roches soudaines, sans compter ces tempêtes, ces pluies fécondes, ces rosées et toutes les humeurs rapides, brusques et chagrines, âmes du changement et de la nouveauté, dont il s'inquiéta dès l'enfance à notre imitation, aspirant de nos seins plissés de rides immortelles les appels du désir et les vœux de l'enfantement. » [Retour]

  19. En 1895 : « cette leçon ». [Retour]

  20. En 1895 : « que plagiat ». [Retour]

  21. En 1895 : « Ce qui existe hors de là n'est donc fait que de ses largesses… » [Retour]

  22. En 1895 : « qu'elle ne cessait ». [Retour]

  23. En 1895 : « et plus tard aussi les héros. » [Retour]

  24. En 1895 : « Nous avons lu que le dernier de ces races évanouies, rejeton des collines thessaliennes… » [Retour]

  25. En 1895 : « Une blanche ceinture de ports florissants et reliés entre eux par l'écharpe vivante des voiles qui ne cessent de bondir et de voyager décore son sein bleu et sombre. » [Retour]

  26. En 1895 : « … triomphes divers, faits de cris de gésine et de plaintes d'amour, elle n'arrête point de sourire avec volupté, car elle se rend témoignage d'avoir tout ordonné tout cela au loisir d'une longue et lucide méditation… » [Retour]

  27. En 1895 : « d'appeler du ciel… » [Retour]

  28. En 1895 : « … d'où la faute et l'erreur se fussent peut-être excusés… » [Retour]

  29. En 1895 : « confuse » [Retour]

  30. En 1895 : « sinuaient les faces de l'eau. » [Retour]

  31. En 1895 : « Les vents ainsi réglés et les ombres mises en fuite, on vit se nuancer la coquille de nacre et l'attelage des maritimes colombes. » [Retour]

  32. En 1895 : « et si vastes ». [Retour]

  33. En 1895 : « Un zéphyr ». D'un strict point de vue orthographique, la correction est fautive.[Retour]

  34. En 1895 : « Jusqu'aux couples humains qui, unissant les cœurs, vantaient de leurs chansons cette toute-puissante et pensive Vénus marine, la couronne et le fruit de tant de pénibles labeurs. » [Retour]

  35. En 1895 : « d'aimer ni d'enseigner l'amour » [Retour]

  36. En 1895 : « … de la connaissance céleste se vienne mélanger le vif incendie de deux cœurs ! » [Retour]

  37. En 1895 : « la plus parfaite des beautés ». [Retour]

  38. En 1895 : « Celles-ci sont en vous comme ces beaux feux sur la mer. Vos larmes de clarté sont dorées d'un rire d'amour, et c'est là la semence de quelque Aphrodite inconnue qui doit naître entre nous pour si peu que les astres s'y veuillent montrer indulgents. » [Retour]

  39. En 1895 : « … mais elle nous assit au rivage de cette Mer… » [Retour]

  40. En 1895 : « Mais vous, mon âme, dédaignez vos alarmes et connaissez, de ces prunelles découvertes et éclaircies, toutes vos délices profondes. » [Retour]

  41. En 1895 : « Vos savantes paroles me sont d'une extrême douceur, énonçant les pensées qui, sous forme de rêves, circulèrent dans votre chair… » [Retour]

  42. En 1895 : « Vos yeux me font un monde bienveillant comme cette chair et, venue de vous, la sagesse m'est heureuse et joyeuse à l'égal de l'amour lui-même dont je ne la puis distinguer, puisqu'ils ne me forment en vous qu'un seul être complet pareil au grand objet soupirant et illuminé dont le murmure et les rayons tiennent tout le corps de la nuit. » [Retour]

  43. En 1895 : « … populace de l'Être ; nous gagnions les cimes sacrées et mes propos… » [Retour]

  44. En 1895 : « au beau rêve que je traçais. » [Retour]

  45. En 1895 : « qui surmonte » [Retour]

  46. En 1895 : « Je vous suivis et crus que le chemin étroit… » [Retour]

  47. En 1895 : « au fond de moi-même ». [Retour]

Ce texte fait partie du recueil Le Chemin de Paradis dont la première édition date de 1895. Les illustrations sont reprises de l’édition de luxe du Le Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez.

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